IA : à quoi jouent les géants de la musique ?
12h44 par Christophe HUBERT
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Crédit : générée par IA !
IA : à quoi jouent les géants de la musique ?
Avant l’été, les trois géants mondiaux de la musique – Universal, Warner et Sony – lançaient l’offensive contre les entreprises Udio et Suno. Entreprises soupçonnées d’entraîner leurs intelligences artificielles (IA) génératives avec les catalogues musicaux, autrement dit, de potentiellement voler les voix et morceaux appartenant à ces majors.
En 2024, ces grands groupes ont aussi engagé une partie de bras de fer avec Youtube, Tiktok ou encore les plateformes de streaming musical (Spotify, Deezer,... ). En cause, l’explosion du nombre de faux titres générés par l’intelligence artificielle. Faux mais utilisant souvent des vrais éléments : extraits de vieux titres ou voix d’artistes.
Pour dire vite, Universal, Warner et Sony sont vent debout face aux IA génératives qui voleraient leurs catalogues et qui manqueraient cruellement d’éthique. Sauf que dans le même temps, Universal, Warner et Sony investissent beaucoup d’argent dans… l’IA générative dont l’éthique ne saute pas forcément aux yeux. Ou plutôt, aux oreilles ! Dernièrement Universal Music a noué un partenariat avec la start-up Soundlabs, afin de créer des modèles vocaux à partir des données vocales des artistes. Plus précisément, on clonerait la voix d’un(e) artiste et l’IA pourrait alors produire de la nouvelle musique, sans qu’il ou elle n’ait besoin de retourner chanter en studio.
Warner Music, de son côté, s’est rapproché de l’entreprise Seriously Happy dans le but de créer une IA qui recréera la voix et l’image… d’Edith Piaf, morte en 1963.
Ethique ? Pas éthique ? On se rend compte que le mot dépend de ce que vous y mettez et des intérêts que vous défendez. Faire « revivre » temporairement Edith Piaf pour honorer son héritage musical ou développer une IA pour sortir un nouvel album de la chanteuse, c’est pas tout à fait la même éthique !
Les géants de la musique jouent-ils un double jeu voire un trouble jeu ?
Pas forcément. D’abord l’IA va aboutir au développement de nouveaux outils d’aide à la création musicale. En cela, voir les géants du disque investir, s'en saisir, est assez compréhensible. C’est même leur métier.
Ensuite, l’IA appliquée à la musique étant en pleine « construction », l’idée des majors est autant d’en saisir les futures opportunités y compris financières, que de faire de l’entrisme dans les start-up pour aboutir à des IA « propres », du moins « éthiques », à même de protéger les artistes et leurs œuvres.
L’IA n’en est qu’à ses débuts et on a tous des opinions contrastées mais l’IA dans 5 ou 10 ans, sera ce qu’on décide d’en faire collectivement. Universal, Warner et Sony ne seront pas forcément plus vertueuses que d’autres entreprises, elles chercheront aussi le profit (pour l'actionnaire, mais aussi pour le développement de la musique, la promotion d'artistes, le soutien de nouveaux talents...). On peut donc penser - et espérer - qu’elles voudront toujours veiller aux intérêts de leurs artistes car ce sont aussi leurs intérêts, on ne scie pas la branche sur laquelle on est assis !
Reste qu'à l'heure actuelle, chacun cherche à se protéger de l'IA autant qu’à se tenir prêt pour les futures révolutions technologiques qu'elle va engendrer, dans ce qui ressemble parfois à un jeu d'équilibriste. Progressivement, le grand public va se saisir de ces questions. Avec sensibilité et subjectivité, car on parle ici de musique et donc d'art. Autant vous dire qu'à l'avenir, le mot éthique va revenir très souvent dans le débat public !