Musique, jeux vidéo, streaming : pourquoi tout le monde licencie ?
30 janvier 2024 à 12h45 par Christophe HUBERT
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Musique, jeux vidéo, streaming : pourquoi tout le monde licencie ?
Qu’ont en commun, les secteurs de la musique, du divertissement, du streaming et du jeu vidéo ? Une croissance insolente. Et pourtant, dans un mouvement amorcé en 2023 et qui semble s’accélérer, les géants dégraissent à tour de bras.Plus d'une douzaine de grandes entreprises ont annoncé d'importantes suppressions d'emplois récemment :
- Microsoft - 1 900 licenciements au sein de ses divisions de jeux vidéo, soit 8% des salariés impliqués dans ce secteur. Pourquoi ? Rester N°1 devant Apple.
- Spotify, la plateforme de streaming musical qui compte plus de 600 millions d’utilisateurs dans le monde - plus de 1 500 personnes vont perdre leur emploi. Cause, rentabilité faible.
- Epic Games, créateur du jeu vidéo Fortnite - licenciement de 16 % de sa masse salariale, plus de 800 personnes. Trop de projets lancés, pas assez rentabilisés.
- Unity, 900 jobs supprimés, Electronic Arts, 375. Beaucoup d’embauches pendant la période faste du covid (confinés, on jouait beaucoup), rectification nécessaire.
- Universal Music, des « centaines de suppressions d’emplois » confirmées pour 2024. Warner Music Group – 4% des effectifs liquidés l’an dernier.
- Netflix, des plans de réduction en cascade depuis 2 ans. Licenciements également chez Google, Youtube, etc… etc…
Comment justifier pareilles charrettes de licenciements, quand ces entreprises sont florissantes ? Par plusieurs facteurs. D’abord, la croissance mondiale. Ces groupes mondialisés sont très sensibles aux variations économiques et tout converge vers une baisse de la croissance dans le monde en 2024. Rien qu’aux Etats-Unis, elle était de 2,4% en 2023, elle devrait finir à 1,7% cette année. A peine 1,2% de croissance espérée en Europe. En bref, tout le monde s’inquiète d’un ralentissement généralisé et licencie par prévention.Le second point, c’est ce que ces groupes florissants… ne le sont pas tant que ça. Par exemple, Spotify n’a jamais vraiment été rentable (la plateforme a perdu 425 millions d’euros sur les 9 premiers mois de 2023), Twitch, n’en parlons même pas !
Dans la musique, l’explosion du streaming commence également à ralentir et inquiète les géants du secteur. Universal a vu ses ventes augmentées de - seulement - 3% fin 2023, Warner voit son bénéfice baisser malgré des revenus records.Troisième point, entre nouveaux marchés avortés (comme le métaverse) et euphorie collective (le rêve d'un monde totalement converti au streaming, par exemple), c'est l'heure de faire les comptes. Après 9 ans de croissance retrouvée pour la filière musicale, l’enjeu est désormais de ne pas perdre du terrain, mais parfois aussi, de conforter les actionnaires et le cours de l’action, voire de faire illusion, à défaut d’avancer une nouvelle stratégie solide pour le secteur et pour les années à venir.
Parce qu’elles ont beaucoup embauché pendant la période Covid, parce qu’elles misent sur de nouveaux marchés comme l’IA, naviguent à vue ou parce qu’elles perdent encore trop d’argent, les entreprises de la musique, du streaming et du jeu vidéo sont engagées dans une course aux licenciements, au risque de l’auto-alimenter. Ce qui convainc certains spécialistes économiques à parler de « crise imaginaire ».