Spotify : ami des artistes ou gentleman-cambrioleur ?

Christophe HUBERT

Image d'illustration
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Crédit : @Couverture Arsène Lupin, Gentleman Cambrioleur, aux éditions Margot / Illustrateur Vincent Mallié

Spotify : ami des artistes ou gentleman cambrioleur ?

Il y a des airs d’Arsène Lupin chez Spotify et son PDG Daniel Ek. D’un côté, un homme et une société affables, offrant sourires et belles images, proches des artistes et volontaires pour améliorer leurs rémunérations. De l’autre, des pratiques dénoncées régulièrement et encore récemment par l’enquête d’une journaliste américaine, autour de faux artistes destinés à entuber les vrais artistes de la plateforme.

Cela dit, ça fait longtemps que Spotify se traîne une mauvaise réputation. Parfois injuste, car le système de rémunération des artistes en streaming est souvent l’œuvre de décisions collectives, prises avec les géants Universal, Warner ou Sony. Spotify – leader mondial du streaming musical – affiche par ailleurs bons résultats et belles intentions : en 2024, la plateforme aurait versé 10 milliards de dollars à l'industrie musicale, comprenez en droits d’auteur pour les artistes.

Mieux encore, la plateforme suédoise vient de signer un accord historique avec Universal Music Group. Il prévoit le déploiement d’offres tous azimuts pour faciliter la vie des artistes, améliorer leur visibilité et bien sûr, leur rémunération. Il y aura de nouvelles formes d’abonnements, une meilleure intégration de la vidéo, la possibilité de produits dérivés, etc…

Spotify chéri donc les artistes et leurs représentants ! Vraiment ? Ce n’est pas l’avis de la journaliste américaine Liz Pelly qui a mené l’enquête et qui vient de sortir son livre « Mood Machine ». Selon elle, Spotify aurait un programme secret qui consiste à remplir ses playlists les plus populaires avec des morceaux créés soit par IA, soit par des artistes fictifs, dans le seul but de diminuer la part de rémunération des « vrais artistes ».

Une bombe qui vient renforcer l’image – non pas d’Arsène Lupin mais de Robin des Bois, à l’envers : voler les petits artistes pour nourrir les géants de la musique… y compris le propre PDG de Spotify ! Aujourd’hui, Daniel EK est d’ailleurs plus riche que n’importe quel artiste du monde avec une fortune estimée à 7 milliards de dollars. Le patron de Spotify défraie régulièrement la chronique car, alors que beaucoup d’artistes se plaignent d’être mal ou pas rémunérés pour leur musique, lui encaisse des millions en revendant des actions, au meilleur moment et à intervalle très régulier. Depuis mi-2023, Daniel EK a ainsi engrangé 597 millions de dollars !

L’avenir dira si Spotify est du bon côté, celui des artistes, pour valoriser leur travail et récompenser leurs succès. Il dira aussi si le système dominant, celui du streaming, est réellement fair play ou s’il coalise avant tout les intérêts financiers et bien compris, des géants du secteur. Et dans l'intervalle, Spotify aura encore fort à faire pour prouver son honnêteté.

Pour certains artistes, pas la peine d'attendre, la messe est dite. Telle la chanteuse islandaise Björk qui déclarait il y a quelques jours à NME : « Spotify est probablement la pire chose qui soit arrivée aux musiciens ».

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