L’IA va-t-elle remplacer les artistes ?
3 avril 2023 à 13h07 par Christophe HUBERT
L’IA va-t-elle remplacer les artistes ?
La question n’est pas tant de savoir si l’intelligence artificielle va investir l’art et plus précisément la musique, mais quelle place lui donner, quelles limites lui fixer ?
Car de fait, et depuis le début de l’année, les outils basés sur l’IA se multiplient, permettant parfois de créer de véritables morceaux musicaux. Ainsi, les ingénieurs de Google ont sorti fièrement MusicLM qui a la façon de ChatGPT, vous produit un titre sur la base d’une description texte. Une sorte de version musicale de DALL-E, capable de créer des images à partir de mots ou de phrases. Vous voulez une « musique douce pour vous réveiller » ou « de la musique techno pour vous enjailler » et voilà que MusicLM vous crache une nouveauté.
Cette IA a « appris » en avalant une base de 280.000 heures de musique jouées, produites par des humains et les spécialistes nous disent qu’elle est bien plus performante sur des musiques électroniques que sur des sons rock ou jazz. Pas de sortie publique pour le moment car Google n’est pas sûr de son coup. Une bonne partie de la musique générée par son IA emprunte à des morceaux existants, d’où un léger problème de droits d’auteur.
Mais d’autres n’ont pas ces préventions et il est possible d’utiliser, par exemple, l’application Aimi qui crée des « expériences musicales » que vous pouvez calibrer selon vos envies et vos goûts. Citons également SingSong qui crée des mélodies pour, soi-disant, accompagner les chanteurs et chanteuses en mal de créations. Là, l’algorithme utilise une base de 46.000 h de musique.
Faut-il avoir peur de l’IA, appliquée à la musique ?
Plus que de la peur, une méfiance, une veille s’avère plutôt nécessaire. On se doute, rien ne remplacera une relation entre l’artiste et son public. Rien ne viendra changer la magie créatrice qui fait qu’on peut adorer une chanson interprétée par Beyonce mais la repousser si c’est une inconnue qui la chante ou tout simplement une autre chanteuse. La musique n’est pas qu’affaire de sons c’est une affaire d’émotions, une alchimie difficile.
Reste qu’en automatisant le process, l’IA pourrait rendre le travail de production plus facile… jusqu’à se démonétiser complètement. Ne soyons pas naïfs, il existe par exemple dans la sphère électro, des labels qui sont de vraies « fermes » à production, d’où sortent des milliers de titres chaque année, créent à la chaine. L’objectif : si j’en sors 2000, il y en a bien un qui finira par percer. Ces titres qui sont ensuite vendus à des majors voire à des artistes directement. Donc que cela provienne, à terme, d’une IA, n’est pas choquant en soi. Ce qui serait dommage c’est si la « patte » humaine disparaissait totalement du process créatif.
L’IA doit rester à sa place
Avant donc de nous lancer corps et âmes dans l’IA appliquée à la musique, il va falloir lever plusieurs questions. Quelle place lui accorder ? David Guetta, interrogé par nos confrères la BBC en février dernier disait : « Je suis sûr que l'avenir de la musique est dans l'IA. C'est certain. Il n'y a aucun doute. Mais en tant qu'outil. ».
A l’IA le soin d’aider les artistes, mais elles ne peuvent avoir le dernier mot.
Autre question, qui est l’auteur ? Si une IA produit des milliers de mélodies, de morceaux, qui est le créateur ? Qui doit être rémunéré ? Et si l’IA s’inspire de titres déjà sortis, ne doit-on pas faire remonter la chaîne de valeurs (et donc de rémunérations), jusqu’aux créateurs originels ?
Les intelligences artificielles créatrices de musique peuvent donc parader (leurs concepteurs surtout), elles ne sont pas prêtes de remplacer les artistes, ni même de déplacer les questions qu’on se posait déjà à l’apogée des compilations ou à l’émergence des plateformes de streaming : qui paye qui et comment… et dans un monde où la musique deviendrait facile à créer, comment pourra-t-elle se réinventer ?