L'électro quitte les clubs... au risque de les tuer ?
2 février 2023 à 13h14 par Christophe HUBERT
La nuit… c’était mieux avant ! Ça, on l’entend depuis des années – toutes les générations en ont fait les frais - alors que la nuit ne fait que se réinventer en permanence, épousant les codes de son temps.
L’électro, les DJs continuent de drainer des masses de fans et de mélomanes mais ces masses ne sont visiblement plus les clients exclusifs des clubs d’antan. Désormais, les DJs jouent et se retrouvent dans les salles de concerts, des lieux insolites ou devant des monuments nationaux. Les fans d'électro n'ont quasiment plus d'attachement, de fidélité à un club, à quelques exceptions près.
"On a une multitude de shows qui demandent de l’espace, une scène" - Williams/Dancecode
L’électro qui sort des clubs, c’est donc le public qui s’en détache voire parfois, qui s’en détourne. Un phénomène que l’on a cherché à comprendre, notamment avec William de l’agence d’artistes Dancecode. A la production du dernier Zénith de Worakls, Dancecode sait que l’électro investit de nouveaux lieux, pour plusieurs raisons, que nous a donné William dans l’Happy Hour FG d’Antoine Baduel :
« Plusieurs choses ont changé, à commencer par la notoriété des artistes. Avant l’électro était une chose confidentielle […] maintenant ce sont plusieurs milliers de personnes » qui peuvent se déplacer pour voir un artiste électro. Problème « on n’a pas plus vraiment de clubs avec ces capacités d’accueil ».
Ce que nous dit William, explique l’impératif de trouver de nouveaux lieux en dehors du circuit purement festif et électronique. Autre raison évoquée, l’électro qui est entrée dans une forme de culture générale. Le boss de Dancecode y voit de nouvelles opportunités :
« Les DJs ont des offres diverses, ce n’est plus uniquement le DJ qui va enchainer des disques toute la nuit, maintenant on voit des shows d’artistes avec des musiciens par exemple […] on a une multitude de shows qui demandent de l’espace, une scène… » que les clubs traditionnels ne peuvent pas accueillir.
Dehors les clubs, exit les DJs sets à la papa ?! Pas forcément, répond William qui nuance « Certains DJs font des grosses salles pour dire d’en faire mais au final, ils font un DJ set dans une salle impersonnelle, comme le Zénith, et je pense que certains y perdent parce que c’est franchement plus cool, quand c’est dans un club ».
"Je pense que le jeune public a perdu un peu de cette âme du clubbing" - Michael Canitrot
Autre acteur, autre vision, c’est celle de Michael Canitrot. Longtemps, ce DJ a campé les clubs pour véhiculer sa musique house mais depuis deux ans, l’artiste a changé de sonorités et de terrains de jeu avec ses shows « Monumental » investissant des monuments nationaux et projetant des œuvres numériques et visuelles. Pour autant, Michael Canitrot n’oublie pas ses premiers amours, les clubs « qui restent un terrain d’expression important pour la scène, pour les artistes et pour moi-même, mais c’est vrai que j’ai voulu prendre la liberté de m’exprimer ailleurs. »
Lui qui observe de près la scène française, perçoit pour autant un changement de mentalité du public et l’exprime ainsi :
« Avant, il y avait des grosses soirées, tous les soirs de la semaine, à Paris… force est de constater que ce n’est plus vraiment le cas […] je pense que le jeune public a perdu un peu de cette âme du clubbing mais cela ne veut pas dire qu’il a perdu l’âme de la musique. »
"Il y a une épidémie de restaurants festifs actuellement et pour moi, c'est limite : ils volent un peu la vedette au clubbing" - Bob Sinclar
Lentement mais sûrement donc, les musiques électroniques quittent les clubs, investissent de nouveaux champs d’expression pour une nouvelle génération d’artistes qui ne se vit plus en « simple DJ » enchaînant les disques. Pour autant, hors de question d’abdiquer de l’âme clubbing, surtout si vous vous appelez Bob Sinclar, qui au micro d’FG nous dit :
« Non, les clubs ne sont absolument pas dépassés. Ils ont traversé une période difficile [la crise Covid]… Et je crois qu’il y a surtout une épidémie de restaurants festifs et ça, c’est pour moi limite : quand on est un resto, on reste un resto ! Ils volent un peu la vedette au clubbing et moi je soutiens à fond les clubs ! »
Vous trouverez peu de clubs en France qui vous diront que ça va mal. Sûrement parce que, si l'électro quitte les clubs, il reste encore bien des fêtards qui trouvent dans le modèle club, l'endroit le plus à même de s'évader, de découvrir des artistes.
Et puis, il y a club et discothèque. Des lieux qui, comme le Rex ou le Warehouse, le 1988 Live Club ou le Baby Club, ont une programmation réellement artistique, une proposition différente pour un public plus éduqué musicalement. Les clubs ne sont donc pas morts, ils se réinventent et gardent une âme particulière, un rapport à la musique singulier qu'on ne trouvera jamais dans un Zénith ou une salle de 15.000 personnes.
Ce qui a peut-être diamétralement changé, c'est notre appétit pour les DJs sets classiques... ou pas ! C'est l'objet de la prochaine enquête de la rédaction d'FG.