RN aux portes du pouvoir : pourquoi la culture ne se mobilise plus ?

17 juin 2024 à 13h09 par Christophe HUBERT

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Crédit : @Aleksandar Pasaric / Pexels

RN aux portes du pouvoir : pourquoi la culture ne se mobilise plus ?

En 2002, le visage de Jean Marie Le Pen apparaissait à la télévision, qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle. Le 1er mai suivant, plus de 1.3 millions de personnes étaient dans la rue pour dire non à l’extrême droite. Parmi elles, de nombreux artistes, acteurs du monde culturel, entre effroi et sidération.

2024, environ 640.000 personnes ont manifesté samedi dans toute la France, selon les chiffres de la CGT. 250.000 d’après le ministère de l’intérieur.

Alors que le RN n’a jamais été aussi proche de prendre le pouvoir, le monde de la culture, lui, fait silence. Enfin, pas tout à fait, certains s'expriment. Dans le milieu électro par exemple, une pétition « la musique emmerde le front national » vient d’être lancée. L’association Technopol, elle, appelle à faire « front contre l’extrême droite », rappelant les prises de positions d’élus RN vis-à-vis des musiques électroniques ou en l’occurrence, contre ces musiques. On compte également 15 syndicats du spectacle vivant qui viennent de dire leur opposition au RN. Côté festival, le Name de Roubaix et l'événement "Art Rock" de Saint-Brieuc, ont fait de même. Sans grands relais.

« La culture n’a plus aucun poids dans le débat politique »


On est quand même loin de 2002
en termes de mobilisation des acteurs culturels et des artistes. Plusieurs raisons à cela. D’abord, quand Jean Marie Le Pen se qualifie, le FN est à 17%, aujourd’hui, il est au-dessus de 31%.

Ensuite, parce qu’en 22 ans s’est étalé le long processus de dédiabolisation du parti de Marine Le Pen et de Jordan Bardella. Pourtant comme le FN en son temps, le RN voit dans la culture, avant tout un moyen de défendre l’« identité nationale », et non comme un vecteur d’émancipation, de dialogue entre les peuples et les cultures.

Enfin, et comme le disent Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française, et Tiago Rodrigues, directeur du Festival d’Avignon, dans le journal Le Monde « La culture n’a plus aucun poids dans le débat politique ». Car l’autre différence avec 2002, c’est l’affaissement des corps intermédiaires, ces relais d’opinion qui, de la culture aux syndicats, ont largement perdu de l’influence.

Il est d’ailleurs assez éclairant de voir la place prise par les propos du youtubeur Squeezie, qui appelle sa communauté à voter contre le RN. Les influenceurs ont remplacé les syndicats, les artistes, les intellectuels, sans pour autant avoir leurs forces de conviction et d'entraînement collectif. C’est exagéré certes mais pas tant que ça et cela ne concerne pas que la culture. Quelle résonnance aura cette tribune publiée ce lundi dans l’Equipe, mobilisant plus de 60 sportifs et sportives contre le RN ? Quel impact auront les propos de Marie-José Pérec, Isabelle Autissier ou Vikash Dhorasoo ?

Et quel impact aurait la sortie d'un artiste quelqu'il soit, même un DJ célèbre qui entendrait défendre une culture électronique basée sur le respect de tous et toutes et sur la lutte contre toutes les discriminations ? On ne le saura sûrement pas, tant la scène électro apparaît déconnectée du monde réel et très peu mobilisable sur les enjeux de société (de la crise Covid aux guerres, les DJs sont globalement apathiques). 

Si la culture est relativement muette depuis le soir des élections européennes, c’est aussi parce qu’on ne l’écoute plus, qu’on ne l’entend plus et quelle doit se trouver une nouvelle place dans la société et dans le débat d’idées. Cela dit, la prudence de 2024 n’est pas une disparition, car on notera qu’aucune tribune collective, pétition, prises de parole d’artistes majeurs n’est sortie, en faveur du vote RN.

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