Anyma : du beau mais du vide ?
Christophe HUBERT
Anyma : du beau mais du vide ?
Son talent est désormais évident. Double talent même, celui de délivrer des shows électro gigantesques et immersifs, innovants et déroutants, et celui de savoir communiquer sur les réseaux.
Ainsi, pas un amateur d’électro n’a pu passer à côté du tombereau de vidéos sur Insta, Tiktok ou en shorts Youtube, relayant les concerts d’Anyma à la Sphere de Las Vegas. Lieu parfait pour accueillir le live du DJ italien, moitié de Tale Of Us, tant ses shows sont travaillés, convoquant les technologies les plus avancées.
Beaucoup de vidéos qui bluffent, attirent l’œil car il est vrai, c’est beau, c’est net ! Le public sur place était d’ailleurs dithyrambique, parlant de show hors norme, d’opéra électro, de concert cinématographique, etc… les mots manquants pour décrire un phénomène encore récent : le live électro immersif.
Du beau donc, pour accompagner la musique d’Anyma (à moins que ce soit la musique qui finit par accompagner le visuel, désormais central) mais qu’en est-il du fond, du message de l’artiste ? « The End of Genesys » en l’espèce, est assez déroutant. Un show visuel avec mise au monde (on ne peut pas le voir autrement), d’humanoïdes et de robots, tantôt menaçants, tantôt émouvants, personnages à la lisière de plusieurs mondes et qui parfois, mettent franchement mal à l’aise.
Les tableaux s’enchaînent, mais le narratif nous laisse un peu sur notre faim. Le show d’Anyma est un déluge d’images mais ne raconte pas grand-chose. Si ce n’est l’appétence d’un artiste – et probablement de son public – pour des visuels mettant en scène la disparition presque totale de l’Homme (et de la femme), préférant s’inquiéter, succomber devant les machines. Un avenir assez peu désirable, un univers dystopique dans lequel l’émotion n’est plus. Et c'est peut-être ce qui inquiète car il est vrai que les lives d'Anyma révolutionnent le show électro, le rapport entre un DJ et son public, qu'ils le réinvente et c'est certain qu'ils donnent déjà des idées à d'autres artistes. Des projets de concerts immersifs à savourer sans communion festive (et avec le téléphone brandi), où on en prendra plein les yeux devant des écrans sur-sollicitant nos sens... mais laissant notre cerveau au repos. Et avec lui, ce qui fait la beauté de la fête, le partage et la socialisation.
Bizarre non, pour un projet musical ? D’autant plus pour un artiste d’une scène électronique qui, n’a cessé de se connecter à l’Histoire des Hommes, de l’égalité revendiquée par les premiers clubs house, à la liberté chérie par les technoïdes berlinois quand la ville était coupée en deux, en passant par cette soif de vie et de rassemblement que sont les raves souterraines des pays en guerre et autres dictatures, de l’Ukraine au Liban en passant par l’Iran.
Au final donc, très beau le dernier show d’Anyma et terriblement fait pour les réseaux sociaux. En consommation de masse et doté d’une DLC de quelques minutes, aussi vite regardé qu’oublié, aucune chance que les images viennent vous hanter dans la nuit. On rêve rarement d’un monde dans lequel on n’existe pas.